jeudi 30 juillet 2015

Au festival

Au programme : une folle semaine de retrouvailles, de films de voyage et d'école buissonnière.

C'est Johny et sa famille (de St Barth') qui arrivent en premier. Ils ne peuvent pas rester pour le festival, c'est donc pour moi qu'ils viennent ! Eh oui, il faut que je m'habitue à la gloire ! Nous faisons en camping-car la tournée des églises et hauts lieux templiers, pour finir par le Saint-Tropez du Larzac : Nant (qui se prononce comme Nantes). Tout le monde danse sur la place, entraîné par un orchestre diabolique. C'est très chaleureux et intergénérationnel.

Chantal arrive à son tour, Alain, voyageur ibérique extrême, et Danièle, et tous les amis anciens et nouveaux, toujours avides de nouvelles aventures. L'inépuisable Hubert est toujours aux commandes, ravi de se faire chambrer par les jeunes bénévoles, lorsqu'il rameute les festivaliers avec un cône de chantier en guise de haut-parleur : "Arrête, Hubert, on va finir par être à l'heure !"

Entre deux films, on se retrouve au bar ou sur la place pour admirer les derniers délires de 2015. Un film fait le plein, la traversée du Ténéré par un aventurier muni d'un sac rempli de bidons d'eau pour 10 jours, qu'il fait glisser ou rouler sur le sable, par 55° (75° au sol). Le tout dure 40 jours, de puits en puits, et transforme ce Blanc en demi-dieu chez les Touaregs.

Un jour, un nouveau festivalier m'aborde :
- Vous êtes Chantal ?
- Oui.
- Chantal Huot de Saint-Albin ?
- Oui ?
- On s'est rencontrés en Serbie il y a 2 ans !
- Bon sang, mais c'est bien sûr !

Tout me revient. Nous avions parlé voyages en Europe dans un hôtel au petit déjeuner. Il revenait du Cap Nord, le vélo chargé comme une mule, barbu, chevelu avec des yeux de voyant. Le monde des voyageurs est petit.

C'est un arrachement de quitter le festival avant la fin, mais Chantal m'a fait miroiter la perspective d'un vrai lit à Montpellier, et avec mon matelas qui se dégonfle, je n'hésite pas longtemps...

samedi 25 juillet 2015

A l'assaut du Larzac

Ca commence de manière fort sympathique : 2 km de montée cyclable, à l'ombre et au frais matinal. Mon moral est au beau fixe. La pente s'accentue, il faut pousser le vélo. On change de versant, maintenant je suis au soleil. Je grimpe en lacets pendant 5 km avec pour seule compagnie un magnifique papillon à rayures noires, qui semble m'avoir adoptée. Il me frôle, me montre le chemin, fait mille allers et retours majestueux. Je me plais à penser que c'est toujours le même. Il fait de plus en plus chaud.

Ce n'est qu'en haut que je comprends mon illusion :  ils sont des centaines, des milliers à voleter de fleur sèche en fleur sèche, tous noirs et blancs, mais avec des dessins différents. C'est magnifique et réconfortant. Allez, encore un petit effort et je serai au bout de mes peines ! Il est presque 11h, il fait déjà très chaud et il me reste 22 km pour Le Caylar.

A midi, le Larzac Café, aimablement indiqué par le José Bové du coin, me tend les bras pour une bonne salade bien fraîche. Il est tôt, tout le monde est aux petits soins pour moi et me rajoute à qui mieux mieux des petits échantillons de la carte sur la table. Pendant ce temps, le patron, son filet jaune à la main, capture les papillons pour les mettre en sûreté dehors. La scène est digne de Bagdad Café.

Dehors, c'est un four. La sieste s'impose sous un arbre. Trop chaud pour dormir, il faut juste attendre. A 4h, je me propulse péniblement sur la route pour les 13 derniers km. Horreur,  il y a encore 8 km de montée au soleil ! Un vrai Golgotha. A mi-chemin, une voiture fait demi-tour pour proposer son aide. Seule, j'aurais bien accepté un bout de conduite, mais avec l'attelage ? A-t-il de l'eau ? Oui, une fin de bouteille d'eau chaude que je prends à tout hasard.

J'arrive en miettes au Caylar, portée par la certitude planante que désormais, mon retour se fera en descente ou en plat !

mercredi 22 juillet 2015

Au milieu de nulle part

Je me croyais bien avisée d'avoir planté la tente au bord de cette piscine si tranquille. Damnation ! C'est à la nuit qu'elle s'anime ! Un couple de campeurs vient se baigner à l'heure où je m'écroule, non sans avoir jeté un coup d'oeil insistant dans la tente pendant que je me déshabille. Puis, vers 23h, encore des clapotis... La vie transhumante est pleine de surprises.



Au petit matin blême, le soleil levant sur le camping a vite fait de me remettre dans le droit chemin (sinueux, en fait), celui du Larzac.













Munie du Saint-Sacrement - les instructions écrites de Chantal - je pars à l'assaut du morceau le plus dur de mon voyage. Il commence traîtreusement par une montée douce à l'ombre, au bord de la Vis. Baigneurs dans les mini-lacs et cascades. Ah bon, si ce n'est que ça !



Un palier. C'est l'embranchement vers Montdardier, mon étape du jour, par la voie Nord (je n'ai pas dit "la face" !). Quoi ? La route est fermée ? Un autochtone m'informe que le détour prend 45mn en voiture : autant abandonner l'idée. Je resterai donc sur la route sud, mais sans hébergement selon mes infos. Eh bien, soyons fou, je ferai du camping sauvage. Je fais la faraude, mais je n'en mène pas large. A gauche, une muraille impressionnante. A droite, des propriétés privées descendent en pente raide vers la rivière. Végétation sèche et épineuse partout. Tout à coup, j'avise une petite église munie de son cimetière à côté d'une terrasse herbue. L'endroit semble idéal et désert, presque invisible de la route.

Je me vois déjà prendre une douche au robinet sous l'oeil éberlué des morts. Il n'est pas question de monter la tente avant la tombée du jour. J'ai tout l'après-midi pour évaluer la situation et affronter la solitude et la fournaise. Mais d'abord se mettre â l'aise, c'est-à-dire en maillot et sous l'eau du robinet. Je me déshabille sur le banc du cimetière et file me bassiner les cheveux et tout le corps. Soudain, grincement de porte. Un ado chargé de sacs poubelle traverse le cimetière en évitant tellement de regarder dans ma direction que je suis sûre qu'il m'a vue et entendue. Depuis quand ? La maison que j'avais à peine remarquée au-dessus du cimetière était habitée ! Bon, si personne ne vient me déloger d'ici ce soir, c'est qu'il n'aura rien dit, mais serait-ce bon signe ? Tous les signaux sont au rouge. En fin d'après-midi, c'est au tour d'un homme de type asiatique, gras comme un sumo, habillé d'une serviette autour des reins, de venir vider ses bouteilles dans les containers. Un petit salut indistinct et il disparaît par le cimetière.

 Que faire ? Je manque à toute prudence si je reste ici, mais il fait tellement chaud et j'ai si peu de chances de retrouver un endroit aussi "campable" ! Je décide de rester et j'envoie des SMS à Chantal et Joëlle en leur cachant ces derniers détails. Les loups-garous annoncés par Joëlle se matérialisent sous la forme d'un élevage de chiens (ouh ououououhhhh). En réponse, j'invoque les mânes de Brunault (Brunôôôôôôô...). Quant à la prudence et au calme recommandés par Chantal : je n'ai même plus mon sifflet, qui d'ailleurs ne me servirait à rien en ces contrées désertes. Je garde à portée de main une sardine même pas pointue et ingurgite un comprimé de magnésium pour la zénitude. Eh bien ça a marché ! J'ai rarement aussi bien dormi avec tous ces fantômes et sans électricité ! Le seul inconvénient du magnésium, c'est qu'il me coupe les jambes le lendemain. Et aujourd'hui, c'est la grande montée au Larzac. Bah, on verra bien...


lundi 20 juillet 2015

Sauve

Aujourd'hui, j'ai rendez-vous à Sauve, sur la route de Ganges, avec mon amie Chantal, qui habite Montpellier. Elle m'a dégotté un camping à la ferme dans les environs, et aussi préparé des itinéraires pour la suite avec plusieurs propositions d'hébergement. Une logisticienne hors pair ! Moi qui en avais rêvé !

Nous nous promenons dans Sauve, jolie petite ville du Sud restée dans son jus, sans touristes (ça repose d'Uzès) et où, m'apprend Chantal, vivent et se produisent de nombreux artistes. La petite place centrale est charmante et digne d'une histoire de Pagnol.

Nous épluchons les itinéraires autour d'une bonne boisson fraîche et, l'heure tournant, je suis prise de défaillance : soif, faim, fatigue, sommeil, le tout fait mauvais ménage et me fait tituber. Nous finissons par trouver un pizzaiolo ouvert et filons nous graisser les doigts au terrain de pétanque, où officient... de jeunes Beurs.

Nous montons au camping en voiture et vélo, mais avec la remorque vide, ce qui fait toute la différence, montons la tente et nous séparons jusqu'à... vendredi au Caylar.

Arpaillargues (près d'Uzès)

Ce matin, en passant au marché d'Uzès, j'ai fait une emplette décisive qui me change la vie : un maillot de bain. Au diable le poids, il faut survivre !
Ca tombe bien, le camping a une piscine ! Il est tout aussi rempli de Hollandais que celui de Châteauneuf, mais changement d'ambiance : les propriétaires sont Hollandais et c'est le règne du droit divin. La patronne, une Cruella blonde au sourire de pierre, m'annonce que le tarif "Senior" qui m'avait charmée à l'entrée, ne s'applique pas en haute saison et que ce sera donc... 25€ ! Gloups ! Je me contenterai donc d'une salade, ce soir. Mais au moment de payer, elle surgit d'on ne sait où pour baisser de 4€ le prix exorbitant de la salade parce qu'elle avait fait une erreur dans le prix de la nuitée. Pas de sourire, pas d'excuse. Le geste ne me fait même pas plaisir tellement il a l'air fait à contre-coeur...
Au petit matin, je passe devant une peinture murale bien dans le ton du camping.

vendredi 17 juillet 2015

Camping sur la via Rhôna

Saint-Desirat (Ardèche)

Camping un peu basique, plutôt familial et un peu beauf'. Un baby-foot ? Des amateurs ? Oui, 3 hommes me rejoignent. Où sont les balles ? Ah oui, c'est 50 cts la partie. Je paye les 2 premières parties, acharnées. 1-1. C'est l'instant de la partie décisive, la belle. Mais où sont-ils passés ? Tout le monde s'est évaporé. A cause des 50 cts ? La classe !

Châteauneuf-sur-Isère (Drôme)

C'est un camping de grande chaîne, un vrai village pour Hollandais. 3 piscines, des animations pour les enfants (en hollandais), une télévision pour le tour de France (pas le mien), des sanitaires nettoyés au microbe près plusieurs fois par jour. A 19h, musique à fond, 2 jeunes Hollandaises arrivent en traînant une sono et toute une bande de blondinets interchangeables pour une chorégraphie devant le bar. Des enfants très agréables à vivre, d'ailleurs, car les deux parents s'en occupent également (vive le congé parental obligatoire du père !). Pas de caprices, pas de hurlements, ils semblent parfaitement satisfaits.
Résignée à être la seule Française dans ce camping, je pars demander un marteau en anglais à mes voisins, qui sont tout ce qu'il y a de plus français et m'invitent derechef à partager un cidre avec eux. Chantal, je t'avais bien dit que ce n'était pas la peine de prendre un marteau !

Cruas (Ardèche)

J'ai bien cru pouvoir m'arrêter 10 km avant, au Domaine du Roux, une autre grande chaîne. La jeune réceptioniste m'annonce tranquillement un prix de 30 € pour la nuit . Devant mon air estomaqué, elle me conseille d'aller à Cruas, où la nuit est à 9€. Mais chut, elle ne m'a rien dit...
A Cruas, le camping est simple, avec une piscine et surtout un propriétaire adorable, genre "Les copains d'abord". Il m'offre la bière de bienvenue, éperdu d'admiration pour mon exploit, n'est pas du tout pressé de se faire payer, il veut d'abord que je me repose. Il a des places ombragées qui sont un vrai paradis, avec de l'herbe, une denrée qui tend à disparaître. En fin d'après-midi, je retourne au bar pour pianoter et dîner - le menu complet pour fêter ma bonne fortune (tout est fait maison et délicieux).

Tous les habitués se regroupent autour d'une grande table et l'un deux va chercher sa guitare. Coup de chance, c'est un très bon, capable d'interpréter tout ce qu'on veut et surtout d'accompagner les pires chanteurs. Ca tombe bien, le proprio nous chante une chanson de sa composition à la gloire des Ardéchois qui me fait mourir de rire car il improvise à qui mieux mieux. Plus il chante faux, plus le guitariste, sourire épanoui, soigne son accompagnement, cherche des effets pour mettre en valeur son chanteur. Puis tout le monde s'y met, c'est la chaude ambiance. Je pourrais rester toute la nuit si le devoir ne m'appelait. Ah, comme je me sens bien ici !

Sur la via Rhôna

Pour aller au festival du Caylar, dans le Larzac, j'ai choisi la voie facile, mais beaucoup plus longue, qui longe le Rhône, rive droite ou rive gauche, de manière discontinue. Je jongle entre les panneaux "Via Rhôna" et mon navigateur, qui ne sont pas toujours d'accord et qui me laissent parfois en perdition en pleine ville, comme à Valence.

J'ai retrouvé le Rhône, tendance Danube, dont la vue me fait pousser les nageoires. On passe souvent dans des centrales électriques de la Compagnie Nationale du Rhône. Un jour, comme je pédalais distraitement au milieu de ces bâtiments sinistres, j'entends dans un haut-parleur une voix sépulcrale qui me souhaite en 3 langues "un bon voyage sur la via Rhôna". Brrrr...

Il y a aussi les petites surprises du chemin. Un escalier abrupt à franchir à la force des biceps. Un pont-passerelle rien que pour les vélos.

A condition de partir vers 7h (lever à 5h), on a devant soi 4 à 5h de pédalage avant la vraie fournaise. A midi, ma journée de cycliste est finie et je m'écroule sur mon matelas pour une bonne sieste, bercée par les cigales et les cris au loin des baigneurs dans les piscines. Je n'ai pas pris de maillot, peut-être devrais-je en acheter un, pour faire venir la pluie ?

Les vraies aventures, comme vous l'imaginez, sont dans les campings. Ambiance garantie !

jeudi 16 juillet 2015

Direction Givors

Le réveil est difficile. Brunault avait juste oublié son duvet et a dormi sous une bâche. Il en émerge transi. Quant à moi, sans électricité, je ne vaux plus grand'chose, à part déranger toute la faune (et accessoirement Brunault) avec mes ronflements.
Une bonne bouillie de flocons d'avoine nous remet d'aplomb pour repartir chacun dans sa direction.
Johny m'avait mise au défi d'aller jusqu'à Givors (63 km) par les monts du Lyonnais. Eh bien je l'ai fait ! Les 20 derniers km sont une longue descente, juste récompense du cycliste souffrant.
En chemin, je rencontre un vieux camping-car en panne au milieu de la route. Ses occupants sont de pauvres gens complètement désorganisés qui en plus n'ont plus d'unités de téléphone. Grâce au mien, ils comprennent qu'il faut d'abord retrouver leur assurance. Tout finit bien, avec un automobiliste complaisant qui les remorque jusqu'en haut de l'interminable côte, où je les retrouve une heure plus tard. Je suis devenue leur amie pour la vie.
A Givors, pas de camping. Je me rabats sur un hôtel, qui pratique le même tarif pour une ou deux personnes. L'employée, une Tunisienne très classe, est désolée, ce n'est pas elle qui décide. Au moment de régler ma bière, elle me fait comprendre qu'elle me l'offre pour atténuer ma déception (et le prix) !
Incrustée sur le matelas, je fais le tour du cadran. L'hôtel a quand même des avantages...

mercredi 15 juillet 2015

Sunday school

Le grand jour est arrivé. Ils sont venus, ils sont tous là, même ceux du sud de la Provence et ceux du nord du Jura ! C'est très émouvant d'être le centre de tout ce mouvement.

L'inépuisable Johny me livre en voiture avec Yin, tandis que Julien chevauche Yang, afin que tout le monde puisse admirer l'attelage qui mène au bout du monde.

Il ne reste plus qu'à me transformer en être humain normal, grâce aux vêtements que Marielle m'a apportés, et aux tongs psychédéliques dénichées par Brigitte, le tout parfaitement coordonné par la grâce de cette journée unique. L'opération de transformation se déroule derrière les poubelles du hameau.

Dans la cour, une marelle est peinte au milieu des tables, l'instituteur nous regarde par la fenêtre, tandis que les enfants en blouse jouent autour des cabinets (en trompe-l'oeil). Tout cela est de bon augure.

Par charité chrétienne, je vous épargne le menu. Sachez seulement que l'Ecole a une fourchette au Michelin et que le restaurant a été à la hauteur de sa réputation. Nous avons tous été charmés par l'accueil et le service.

Les nouvelles familiales s'échangent, on se congratule, on prend date. C'est mieux qu'un mariage, où on ne connaît que la moitié des gens, ou qu'un enterrement, où il manque forcément quelqu'un.

Pour finir, une photo de classe s'impose. La patronne nous installe sous le préau, bien alignés et bien sages. Quelques anciens enfants s'essayent à la marelle. Joëlle et Jean-Michel ont gardé souplesse et verdeur.

Puis tout le monde s'égaille : l'Ecole est finie !  Merci les amis !
Seul Brunault reste et nous partons à l'étang pour une nouvelle aventure : une nuit à la belle étoile.

mardi 14 juillet 2015

La vie à Saint-Barthélémy

Mais je n'ai encore rien vu de l'esprit partcipatif de Johny !

De bon matin, dès le petit déjeuner avalé, pendant que Marie va se faire rafraïchir les cheveux, il m'embarque faire le marché et les courses dans les villages environnants. Montées et descentes à l'infini, quoi de plus pittoresque quand on est en voiture ? Et quand ça se termine par une petite bière au café ?

L'après-midi, comme Julien, le fiston surdoué de l'informatique, est privé de smartphone pour connaître la vraie vie, nous faisons une séance de jet d'eau/lavage de l'attelage dans le jardin assoiffé.

Je l'entraîne ensuite dans une balade vélo à Bouchala pour reconnaître les lieux de la fiesta de demain. Au soleil couchant, c'est encore plus beau que sur les photos d'internet. L'école a été restaurée juste ce qu'il faut, en gardant son cachet d'autrefois, avec en petit clin d'oeil quelques peintures en trompe-l'oeil qui donnent vie au lieu.

A la nuit tombée, Johny a besoin de compagnie pour aller accrocher les ballons de bienvenue aux jeunes mariés et installer des lumières en direction de la chambre nuptiale. Me voilà toute désignée puisque Julien déteste entendre un ballon éclater. Tels deux malfaiteurs, nous errons dans la campagne à la lueur de nos smartphones et de la voie lactée. Quelle aventure !

PS : Suite au grand nettoyage de mon smartphone par Julien, j'ai reçu une avalanche incroyable de mails, SMS, commentaires. Enfin, j'ai de la mémoire ! Mais il va me falloir du temps pour répondre. Pitié, ne me scalpez pas ! Remerciez plutôt Julien, qui me permet de continuer mon voyage !

samedi 11 juillet 2015

Saint-Barth'

Pour me rapprocher de Bouchala, lieu des retrouvailles familiales dimanche, je déniche en dernière minute une chambre d'hôtes à Saint-Barthélémy-Lestra, un bijou très confidentiel situé près de Saint-Martin-Lestra, entre Lyon et Feurs, dans les monts du Lyonnais. Saint-Barth' et Saint-Martin, rigolo, non ?

Pour y aller, c'est facile, il faut juste grimper à 600m par 48°9 au soleil et on est à nouveau à l'air pur et (un peu) plus frais, loin de la foule déchaînée. Marie, mon hôtesse, est en train de bichonner la maison pour recevoir un mariage samedi. Je suis en surnombre, mais ici, on a l'art de s'adapter.

Justement, c'est le soir où on partage le repas avec un jeune couple d'artistes du village. Hop, on embarque la ratatouille, le clafoutis, l'apéritif et le vin et on se retrouve à une douzaine de tous les âges à refaire joyeusement le monde sur une table à tréteaux.

Quand on passe à vélo dans cette campagne l'après-midi, tout est clos et endormi, mais le soir, je peux vous dire que ça bruisse !

Feurs

Le navigateur est d'humeur badine ce matin : il m'envoie direct sur les monts du Forez. 6 km de montée douce, puis moyenne, puis carrément pentue. Je maudis sa race, mais tout en poussant le vélo, admire un panorama de plus en plus époustouflant, à perte de vue. Un âne albinos me regarde tristement. La descente est vertigineuse. J'ai envie de crier de joie et de peur et j'enfile les kilomètres comme des perles.
En quelques minutes, c'est à nouveau la plaine. A Balbigny, les pêcheurs courtisent la Loire. Feurs n'est plus très loin.

jeudi 9 juillet 2015

Lac de Villerest

55 km aujourd'hui ! On sent que la pluie est passée par là, ainsi qu'une magnifique voie verte qui mène sur un plateau (façon de parler bien sûr) de Montceau l'Etoile à Iguerande. Fin de la Saône-et-Loire.

La traversée interminable de Roanne me permet de faire toutes mes petites emplettes et voici le camping de l'Orée du Lac. Le lac ? En fait, le camping donne sur un barrage, le lac est juste un peu plus loin, mais le vrai plus de ce camping, c'est son accueil.

Le patron, ex-cadre d'un grand groupe, m'emmène en personne voir différents emplacements en terrasses, me suggère le plus ombragé, tandis que sa femme m'apporte mon cordon ombilical, la rallonge électrique. C'est le début d'après-midi, je meurs de faim ? Pas de problème, Laure me propose des frites, pour lesquelles elle rallume sa friteuse ! C'est tellement bon de se sentir un VIP, quelquefois !

Il règne une joyeuse ambiance au bar. Une bande de jeunes est là en vacances, qui s'avère être la famille recomposée des propriétaires. J'avise un baby-foot et lance un défi aux présents pour après la sieste. Un tournoi s'organise peu à peu, les équipes sont tirées au sort et à 21 h, tout le monde est au taquet.

Entre-temps, un motard anglais est venu réparer son armature de tente "en famille" et nous regarde, amusé, nous passionner pour cet étrange jeu au nom anglais. Il roule 300 km par jour, un bon moyen d'échapper à la canicule !

Au fur et à mesure du jeu, le bébé passe de bras en bras et s'excite comme un vrai supporter. Avec mon co-équipier Mathis, nous passons les quarts, puis les demi-finales. La tension est à son comble, tout le monde joue le jeu et supporte à fond les finalistes. And the winner is... l'équipe n°2, c'est-â-dire nous ! Avalanche de cadeaux publicitaires pour tout le monde, pistolets à eau, ballons, porte-clefs, frizzbee. La soirée se termine à point d'heure et je m'esbigne pour voler queques heures de sommeil... Comme j'aime ces moments de partage et de détente pure !

mercredi 8 juillet 2015

Charolais

Aujourd'hui (mardi), la chaleur m'a vaincue. Après 12 km seulement - l'étape la plus courte du voyage - un camping à la ferme me tend les bras à Montceaux l'Etoile, en plein coeur du Charolais.

Sur un petit terrain grillé par le soleil, 4 vieilles caravanes vides cuisent doucement devant un panorama enchanteur et verdoyant. Il y a des vaches, des chèvres, des moutons, des poules, des coqs qui s'époumonnent en plein midi.

Il y a de l'orage dans l'air, me dit l'agricultrice. Elle me suggère de prendre une caravane à 10 € pour plus de sûreté. A ce prix, je prends ! J'ai les sanitaires pour moi toute seule, il y fait frais, l'endroit idéal pour lire quelques vieux GEO et écrire des cartes postales en attendant la pluie. La tension accumulée se relâche, ma nuque et mes trapèzes tendus comme des ficelles de string craquent de tous côtés.

Le mari est un homme encore jeune et entreprenant. Il pratique une agriculture raisonnée, ne demande pas de subvention pour garder sa liberté et du temps pour lui. Ils vivent en autarcie mais accordent une grande importance à leur vie sociale. Avec quelques autres, il a créé un marché hebdomadaire qui a ses inconditionnels et dont il est très fier. Il y a aussi un café de pays, fermé en ce moment, qui organise des événements culturels. Non, la campagne n'est pas destinée à mourir ! Au cours de la conversation, il laisse échapper que chaque fois qu'il emmène des moutons à l'abattoir, il verse une petite larme.

C'est pour tout ça que j'aime la Saône-et-Loire. Et aussi parce que la pluie est enfin venue pendant la nuit !

lundi 6 juillet 2015

Parenthèse en couleurs

Cela fait plusieurs jours que je suis le canal latéral à la Loire. Avantages : platitude, rapidité et proximité de l'eau. Inconvénient : une abyssale monotonie. On ne voit que l'eau et de chaque côté, une rangée d'arbres qui, passé 10h du matin, ne font même plus d'ombre.

Alors ce matin, mes yeux ont sursauté de surprise devant une grande tache colorée au loin. Des vélos multicolores, une pin-up tricoteuse en carriole, un banc arc-en-ciel : qu'est-ce que c'est que ce cirque ? Un panneau annonce : "Petit Déjeuner, Casse-croûte, Alimentation générale, Dépôt de pain, Canal +" et une étrange histoire de tricotage. L'occasion est trop bonne de rompre l'engourdissement. Je quitte mon chemin de douleurs et entre dans un petit café de village rempli d'habitués qui discutent autour de dossiers étalés sur les tables. On me dirige gentiment vers la terrasse et on m'explique le pourquoi du comment.

Le tricot, ce sont des femmes du coin qui préparent pour une manifestation le 20 septembre assez d'écharpes (1400 kg de laine) pour recouvrir les 7 km qui séparent Pierrefitte-sur-Loire de Diou. Elles les vendront pour créer une halte-Alzheimer pour ces 2 villages. Astucieuses, non ? Je ne doute pas que vous viendrez nombreux à Pierrefitte le 20 septembre aider cette noble cause.

Le banc multicolore ? C'est le banc de la vérité, celui sur lequel les couples en crise s'assoient pour régler leurs différends. Je trouve l'idée jolie, même si j'ai un petit doute. "Le premier qui dit la vérité..."

Campings revigorants

Il y a d'abord eu Saint-Satur, près de Sancerre (juste avant Fourchambault !).

Tous les campings le long de la Loire à vélo font "Accueil vélo" : tarifs très bas, électricité gratuite pour les malheureux affligés comme moi d'un masque, salle pour lire, cuisiner, regarder la TV, tables et chaises. Mais certains sont particulièrement accueillants et serviables. C'est le cas ici.

Et, cerise sur le gâteau, en poussant le petit portail du fond, on a la Loire à ses pieds, de grands arbres et un bar-restaurant-guinguette-promenades en gabarre, où souffle un petit vent qui fait tout ce qu'il peut pour rafraïchir. La serveuse s'amuse de me voir commander Schweppes sur Schweppes. J'ai l'impression que rien ne pourra jamais étancher ma soif (en tous cas plus la bière). Oui, Saint-Satur restera dans mes annales caniculaires ! (photo)

Decize (après Fourchambault !).
Il ne faut jamais remettre ses roues dans le passé. J'en avais gardé le souvenir d'une charmante petite ville de province où j'avais fait un repas de roi au restaurant avec Tom, un cycliste de rencontre.

Cette année, le centre-ville est mort. Le patron m'explique que les touristes restent au camping et que ça ne vaut plus la peine d'ouvrir le soir.

Je surmonte ma déception et me contente d'un kebab grand ordinaire servi par un jeune Tunisien au teint gris et aux yeux cernés par le ramadan (mais que fait la police ?)

En revanche, le camping de Decize est un modèle du genre. Accueil cycliste d'une extrême gentillesse, malgré le défilé de camping-cars toute la journée, sanitaires neufs et propres et tout le confort. En plus, je me déniche LA place qui est à l'ombre des tilleuls toute la journée. Bien joué ! C'est vrament l'endroit où prendre une journée de repos !

samedi 4 juillet 2015

Quelques personnages sur ma route

Un gérant de camping comme on en aimerait beaucoup : alors que j'arrive exténuée à ce camping intitulé "Camping-restaurant", il m'apprend que le restaurant n'existe pas encore, mais qu'il y a un camion-pizza au village d'où je viens, à plusieurs kms. Devant mon air désespéré, il me propose de choisir une pizza sur le prospectus et il ira me la chercher en voiture à l'heure de mon choix. Et il l'a fait ! Si c'est pas du service !

A Beaulieu-sur-Loire, il y a un bar-restaurant-hôtel adossé à l'église, très beau dans le genre café d'autrefois, dont le patron est dépressif. Je lui fais remarquer comme le cadre est joli et accueillant au bord du canal, il me répond que ce n'est plus comme avant, il ne s'en sort plus tout seul, le petit commerce, c'est fini, trop de taxes, il va arrêter et partir faire du bénévolat en Asie, mais même cette perspective ne semble pas le réjouir. Je m'enfuis avant de me laisser gagner par sa morosité. C'est la complainte d'une campagne qui meurt doucement...

A Fourchambault, c'est une autre histoire. Il y a peu de campings dans cette partie de la Loire à vélo et je suis obligée de dormir dans ce camping moche et bruyant, dans une ville moche. Bon, puisqu'il le faut.

Le patron est un Bidochon avec qui j'ai le tort d'engager la conversation, car j'ai l'intention de lui demander de charger mon téléphone. Misère ! Il me déverse sans sourciller et avec tous les arguments du monde sa haine des Arabes, qui ont le tort d'être musulmans et de nous envahir. Il faut rejeter les migrants à la mer, etc. etc. L'ironie, c'est que sa fille unique et adorée va épouser un Turc et il refuse de rencontrer le garçon s'il ne vient pas manger du porc chez lui pour montrer sa volonté de s'intégrer ! Ca lui est égal, dit-il, de ne jamais connaître ses futurs petits-enfants. Il transporte des armes dans sa voiture pour se protéger, c'est comme ça qu'il se fait respecter...

Je lui dis que ses discours de haine sont ceux qui font arriver les guerres, mais il en faut plus pour le faire changer d'avis ou seulement l'émouvoir. Une bonne guerre le satisferait complètement, surtout qu'il a passé l'âge d'y aller.

Mon conseil : éviter Fourchambault, sauf sa pizzeria climatisée, tenue par un couple italien de premier ordre. J'y ai savouré une salade du pêcheur et un nougat glacé à tomber par terre de bonheur. Une bonne compensation !

La Beauce

Allez, maintenant il est temps de filer plein Est direction Montargis, c'est-à dire de traverser la Beauce !

Je me réjouis de la platitude, mais appréhende la monotonie des champs fe blé. Eh bien, pas du tout ! Il y a bien des céréales, mais de toutes sortes et toutes couleurs, mais aussi des bois et bosquets qui rythment le paysage, quelques villages par-ci par-lâ. On commence même à voir une fleur qui ressemble furieusement au coquelicot, mais avec une fleur blanche â coeur violet. Ces étendues violettes sont très rafraîchissantes à l'oeil.

Toute à ma randonnée contemplative, je ne réalise pas qu'il fait de plus en plus chaud et qu'aucun camping ne se profile à l'horizon. De villages en villes, il s'avère que le camping est une denrée inconnue sur ma route, et que les hòtels et chambres d'hôtes sont tous réservés pour un mariage. Je dois filer plein sud à 16h et faire 15km de plus pour trouver une chambre dans une sorte de motel avec une troupe de cyclistes. Mais ce ne sont pas des randonneurs, donc pas d'échange possible. On ne peut pas vivre un Combray tous les jours...

mercredi 1 juillet 2015

Illiers-Combray

Quelle émotion quand on voit pointer au loin le clocher de l'église, décrite avec tellement de détails dans "Du côté de chez Swann" !

J'arrive sur la place triangulaire dominée par l'église en milieu d'après-midi, me précipite â l'office de tourisme, qui donne le ton. Intime, tenue par une vieille dame désuète qui connaît son Marcel Proust par coeur. Pas un chat dans la boutique ni dehors. Elle m'informe que la prochaine visite commence dans 10 mn, à la maison de Marcel Proust, qui est celle de tante Léonie dans la Recherche et celle de sa tante Elisabeth dans la vraie vie (vous suivez toujours ?)

Les indications pour trouver la maison sont ultra-confidentielles. J'entre par la porte du jardin, tout petit, genre jardin de curé. Le jeune guide est là, passionné, nourri d'exégèse proustienne, ainsi que... 2 autres visiteurs ! On est loin de Giverny et de ses hordes de Japonais.

Une halte dans la cuisine, restée dans son jus, avec tous les instruments d'époque, dont une cafetière "italienne" extraordinaire. Des photos de la domestique qui a inspiré Françoise, celle qui faisait éplucher des asperges à la jeune aide-cuisinière, enceinte et allergique aux asperges, pour la punir d'avoir "fauté".

Une autre station au pied de l'escalier en bois qui menait aux chambres, là où le jeune Marcel comprend soudain avec désespoir qu'à cause de la visite de Swann, il n'aura pas le baiser maternel qui lui assure une bonne nuit.

Toute la maison se visite ainsi avec des réminiscences de la Recherche, mais le guide prend soin de démêler ce qui est modèle de la création romanesque. Il a tellement lu d'études sur Proust qu'il en oublie parfois Proust lui-même. Je lui rappelle que les promenades du côté de Guermantes et du côté de chez Swann démarraient, dans la Recherche, l'une par la porte côté rue, l'autre par la porte du jardin. Il est enchanté de trouver à qui parler, je bois du petit lait..

Je finis cette journée divine dans l'église, fraîche, ancienne, dont les bancs sont tous clos, intimes eux aussi.

Un petit tour au restaurant de la place, où je suis seule et j'arrive au camping par une piste paradisiaque, bordèe de roses de toutes les couleurs et d'énormes touffes de lavande. Le camping est un rêve : piscine, spa, sauna, abri pour les vélos, grande tente pour les repas des cyclistes, accueil jusqu'à 20h... Tout ce luxe n'a rien à voir avec Proust. En fait, Illiers est sur la route Paris-Chartres-Mont Saint-Michel et personne ne se soucie de Proust.

NB : Illiers est la seule commune de France à avoir eu l'autorisation d'accoler à son nom administratif un nom fictif, Combray.

Chartres

Splendeur et solennité de la cathédrale. On se sent un vermisseau, une poussière insignifiante. Les proportions sont parfaites, les vitraux éblouissants. Péguy et Claudel sont passés par là et sont restés cloués de beauté.

Mais les labyrinthes n'arrêtent pas de me jouer des tours. La cathédrale est en rénovation et le tiers invisible sous les báches... c'est là où est le labyrinthe ! Il doit y avoir une signification cachée à tous ces contre-temps. Tant pis, je me rattrape avec les sculptures autour du choeur, un ensemble époustouflant qui se fait refaire une beauté en ce moment.

Au camping, je rencontre ma première cycliste en solo. C'est une petite Ecossaise à natte blanche, pleine d'énergie, qui va à Compostelle depuis l'Ecosse. On la sent à un tournant de sa vie, elle est au bord des larmes quand on l'interroge sur ses motivations.

Sur le point de partir pour Illiers-Combtay, je me fais harponner par un camping-cariste qui a remarqué mon attelage et me pose plein de questions sur le voyage. Bon, c'est pas le tout, mais Marcel m'attend !