Me voici donc à Mortagne-sur-Sèvre, une petite ville que j'ai découverte dans les mémoires de mon grand-père, lorsqu'il mentionne l'histoire des Boutillier de Saint-André, racontée par Marin-Jacques, le fils, âgé de 12 ans lors des événements de 1794.
Traqués par les "bleus" (révolutionnaires), les Vendéens (Blancs) fuient. La famille de Marin-Jacques - le père, Marin- Jacques, est maire modéré - part dans le bois des Granges cacher de l'argenterie pour les enfants après la guerre. Les parents savent déjà qu'ils n'échapperont pas au massacre et ils veulent assurer l'avenir de leurs enfants.
C'est l'histoire du "trésor" caché qui m'avait intriguée au début, mais j'ai ensuite appris que ce coin avait été exploité (et bouleversé) pour son uranium. En tous cas, l'histoire tragique de Marin-Jacques me passionnait.
Chez Antoine et Flavie, mes hébergeurs pour 2 nuis, on est accueilli comme chez des amis et on parle vélo et vie en général jusqu'à point d'heure.
Ils me conseillent pour mon enquête de commencer par la mairie. Je suis accueillie par la secrétaire, membre d'une autre branche de la famille ! Elle m'adresse à un certain Constant, qui arrive dans les 5 minutes pour me cueillir en voiture et me faire visiter tambour battant les hauts lieux de Mortagne : le cimetière et les tombes Boutillier, dont je découvre les armes : "trois bouteilles d'argent, au large ventre, posées 2 et 1 sur fond de gueules" (cette description officielle oublie une grappe de raisin). Leur devise : "Ubi lagena ibi laetitia", qu'on pourrait traduire par : là où il y a une bouteille, il y a de l'allégresse. De mieux en mieux ! Je sens mon cicerone un peu embarrassé par cette trivialité, moi je suis enchantée.
Cet homme est un puits de science sur l'histoire locale, même s'il mélange parfois les époques, les lieux, les branches. Il faut dire que quelques générations au-dessus de mon Marin-Jacques, il y a eu une fratrie de 24 enfants ! On se perdrait à moins...
Il m'emmène en suite voir toutes les maisons Boutillier de Mortagne, autant dire le tiers de la ville, puis le fameux bois des Granges où était cachée l'argenterie. Enfin chez lui, où il conserve une incroyable documentation.
Là, je découvre que le nom de Boutillier "est tiré des grandes charges de la couronne, au temps du Moyen-Age. Le titre de"Grand Bouteiller de France" était connu sous la seconde et troisième race de nos rois. Les fonctions du Grand Bouteillier étaient exercées par l'un des cinq officiers de la Couronne ; elles réputaient l'honneur de présenter le boire aux rois. Le Grand Bouteillier avait un office qui différait essentiellement de celui d'échanson, et le surpassait, hiérarchiquement".
Constant m'aurait gardée toute la journée s'il n'avait eu un autre rendez-vous. Si ce n'est pas de la passion !
Mais le plus marquant de la journée, c'est la lecture d'un livre sur la guerre de Vendée chez mes hôtes. L'année 1794 a été un vrai carnage et rappelle par bien des côtés les guerres de "religion" actuelles. Même ignorance, même bêtise. Comment un désir légitime de réformes a pu se transformer en génocide, c'est un mystère pour moi.